Le commerce international, déjà frappé par la crise de la Covid-19, subit aujourd’hui les contrecoups de la guerre en Ukraine. Or, cette situation n’est guère rassurante à en croire de nombreux décideurs ou experts mondiaux dont l’OMC. Allons-nous vers un éclatement du commerce mondial ? À quoi faut-il s’attendre dans les années à venir ?
La situation déjà complexe du commerce international
L’économiste en chef de l’OMC, Robert Koopman, nous rappelle que la situation internationale était déjà difficile avant l’émergence de la guerre en Ukraine. Nous pouvons notamment citer :
- L’expansion du variant Omicron perturbant les échanges commerciaux
- Le retour de l’inflation réduisant le pouvoir d’achat
- Des politiques budgétaires restrictives
- L’augmentation des taux d’intérêt
L’impact de tous ces évènements s’observe déjà sur la croissance du PIB mondial qui après avoir augmenté de 5,7% en 2021 ne s’accroîtra que de 2,8% en 2022. De son côté, le volume de commerce de marchandises n’augmentera que de 3% cette année alors qu’une croissance de 4,7% était attendue avant la guerre en Ukraine. De plus, ces chiffres pourraient être revus à la baisse selon l’évolution de la situation.
Les pays pauvres, première victime de la crise
Tous les pays ne sont pas égaux devant ces fluctuations du commerce mondial. Si les économies les plus riches devraient pouvoir s’adapter sans trop de difficultés à cette situation, ce n’est pas le cas des pays les plus pauvres.
Ces derniers consacrent en effet un budget plus important pour l’achat de denrées alimentaires. Or, la production alimentaire mondiale risque d’être fortement impactée. Cette situation pourrait alors entraîner de fortes instabilités politiques dans de nombreux pays.
Notons pour s’en convaincre la part de l’Ukraine et de la Russie dans la production alimentaire et énergétique. D’après l’OMC, les deux pays ont distribué au niveau mondial en 2019 :
- 25% du blé
- 15% de l’orge
- 45% du tournesol
De plus, en termes énergétiques, la Russie représente mondialement :
- 9,4% du commerce des carburants
- 20% du gaz naturel
L’impact des confinements chinois sur les échanges mondiaux
À ces risques, il est important d’ajouter les confinements en Chine. Le pays professant une politique dite “ Zéro Covid ”, le gouvernement chinois s’efforce de confiner les villes dès les premiers signes épidémiques.
Par conséquent, le commerce international, déjà touché, poursuit son ralentissement. L’échange de marchandises par voie maritime subit des pressions qui peuvent perturber de manière importante l’ensemble de chaînes d’approvisionnement au niveau mondial. Cela pourrait conduire à une augmentation de l’inflation et l’aggravation des pénuries.
Un risque réel de découplage commercial
La pire conséquence de ces crises qui se succèdent serait la désintégration de l’économie mondiale. La mondialisation actuelle laisserait place à une économie internationale constituée de blocs distincts et rivaux.
C’est lors d’une conférence de presse à Genève que Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC a déclaré : “ Il existe un risque de fragmentation, de découplage commercial. Le coût pour l’économie mondiale serait très élevé.” Cette dernière a ajouté que “ L’histoire nous enseigne que le fait de diviser l’économie mondiale en blocs rivaux et de tourner le dos aux pays plus pauvres ne conduit ni à la prospérité ni à la paix. ”
La situation semble donc fortement instable et les conséquences pourraient être majeures. Quelle que soit l’évolution de la situation, il est inévitable pour la communauté internationale de repenser la mondialisation. En prenant en compte à la fois la tentation de repli des communautés nationales, la problématique du réchauffement climatique et le nécessaire développement de la résilience, les décideurs devront repenser le modèle actuel pour dépasser ensemble une conjoncture délicate, mais essentielle pour le futur des échanges mondiaux.
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